Située en Haute-Casamance, la région de Kolda est l’une des 14 régions administratives du pays. Elle figure parmi les régions sénégalaises les plus mal positionnées en termes d’indicateurs de santé. Cette région rurale est marquée par des taux de mortalité maternelle et infantile nettement supérieurs aux valeurs nationales.
En 2013, pour 100 000 naissances vivantes, 588 femmes mourraient des suites de leur grossesse ou de leur accouchement (contre 434 au niveau national) (ANSD, RGPHAE 2013). Et en 2016, le taux de mortalité infanto-juvénile y était presque du double de la moyenne nationale : pour 1 000 naissances vivantes, plus de 100 enfants mourraient dans la première année avant l’âge de 5 ans (EDS-Continue 2016, ANSD).
La proportion de femmes accouchant à domicile est aussi supérieure à la moyenne nationale (56,6% contre 26,8%) (EDS-MICS 2012).
En 2016, Amref a initié une étude identifiant les principaux facteurs sur lesquels agir pour répondre à cet enjeu avec un impact maximal : la mauvaise couverture sanitaire en professionnels et en structures de santé, le faible niveau d’équipement spécialisé, et la forte mobilité des spécialistes liée aux conditions de travail difficiles. La faiblesse de l’offre de soins dans la région génère des carences en termes de prise en charge, en particulier au regard des interventions à haut impact en santé maternelle, néonatale et infantile (SMNI).
Ses conclusions ont également souligné la persistance d’obstacles à l’utilisation des services de santé : des barrières géographiques (plus de la moitié de la population est située à plus de 5km de la structure sanitaire la plus proche) économiques (53% des foyers de Kolda vivent en dessous du seuil de pauvreté ce qui ne leur permet pas d’investir dans leur santé), socio-culturelles (pratiques défavorables : mutilations sexuelles féminines, inégalités de genre dans l’accès aux soins, etc.) se maintiennent et, associées au manque d’information, conduisent à de faibles taux d’achèvement des consultations pré et postnatales (16 et 22% respectivement).
Pourtant, un suivi à court, moyen et long terme des femmes enceintes et de leurs enfants jusqu’à 5 ans permettrait de prendre en charge efficacement les principaux facteurs de morbidité, grâce au suivi de la grossesse, de la croissance du nouveau-né et de son calendrier vaccinal.
Amref utilise depuis plus de 15 ans les outils numériques au service de la santé : formation à distance de personnel médical grâce au e-learning et au m-learning, diagnostics à distance grâce à la télémédecine, télétransmission d’information sanitaires et suivi des patients
grâce à la téléphonie mobile, etc.
Considérée par Amref comme un accélérateur de progrès, la e-santé est utilisée pour soutenir l’accès à l’offre de soins en reliant les structures
de santé aux communautés et en améliorant la coordination des soins et la qualité des services.
En Afrique de l’Ouest, Amref a déjà une forte expérience dans le domaine de la télémédecine. En effet, entre 2012 et 2014, notre ONG a déployé
un projet ayant permis de relier 2 hôpitaux de référence de Dakar et 4 établissements régionaux, et de renforcer les compétences des médecins sur place. Il a bénéficié directement aux patients souffrant de fistules obstétricales et de becs de lièvre, en venant renforcer la qualité des diagnostics et du suivi post-opératoires réalisés dans les régions périphériques grâce à l’appui à distance de spécialistes basés à Dakar (téléconsultation, télé-expertise, téléassistance), et renforcer la qualité des diagnostics et du suivi post-opératoire.
Dans le domaine du e-learning et du m-learning, Amref Health Africa a la certitude que ces innovations permettent de s’affranchir des contraintes géographiques, de maintenir les agents en activité pendant leur formation, mais aussi d’optimiser les coûts tout en facilitant la mise à jour des contenus. Depuis 2013, le e-learning est pleinement exploité en Afrique de l’Ouest à travers le projet PRECIS (Programme régional de renforcement des capacités des infirmier.ère.s et des sages-femmes),
mis en place dans le cadre de la campagne internationale Stand Up for African Mothers lancée en 2011. Ce projet a mis en place un modèle mixte inédit de formation e-learning & tutorat de proximité sur les lieux de soins.
Ainsi, le projet Cellal E Kisal puise dans les compétences et expériences collectées par Amref en combinant des services de proximité, à distance et décentralisés, afin d’exploiter le potentiel du numérique et des solutions existantes (téléconsultation, télé-expertise téléassistance, e-learning, télémédecine, téléphonie mobile) en direction des communautés et des personnels de santé de première ligne.
Le projet Cellal e Kisal Notre stratégie d’intervention Cellal e Kisal applique la stratégie « Track-Check-Retain », qui veut répondre à la difficulté d’identifier et de suivre à court, moyen et long terme les Femmes en Âge de Reproduction (FAR) et leurs enfants jusqu’à 5 ans, sur des enjeux nécessitant un accompagnement régulier : les consultations pré et post natales (CPN et CPoN), les vaccins en plusieurs prises, la malnutrition, ou encore les soins de réadaptation fonctionnelle en matière de handicap. Pour cela, le projet offre une solution holistique à une problématique multifactorielle. Il s’articule autour de 2 axes :
- Le renforcement de l’offre de soins en matière de santé maternelle néonatale et infantile
- L’amélioration de l’accès à cette offre pour les communautés rurales isolées
Un dispositif numérique vient soutenir l’ensemble de la logique d’intervention : il permet d’améliorer
la prise en charge et le suivi des besoins sanitaires des femmes enceintes et des enfants, ainsi que la
transmission et la collecte de l’information entre le niveau communautaire et régional. Ce dispositif
est composé de 3 éléments:
- Une application mobile utilisée par des relais communautaires pour faire le lien avec les structures de santé (collecte et transfert de données sanitaires, rappel des rendez-vous pour les consultations pré / post natales / suivi de croissance / vaccination).
- Une plateforme e-santé à destination des agents de santé (connectée à l’application mobile) leur permettant le suivi des dossiers médicaux numérisés et l’accès à des contenus de e-learning, sur tablette et ordinateur.
- Une valise de télémédecine déployée pour la réalisation d’examens pointus dans des zones reculées (échographie, électrocardiogramme, etc.) – elle est reliée à une plateforme de télémédecine qui donne aux agents de santé la possibilité d’être appuyés par des spécialistes via la téléconsultation et la télé-expertise.
- 22 971 femmes enceintes et 73 520 enfants de 0 à 5 ans ont été enregistré.e.s et suivi.e.s
- 5 520 consultations de femmes enceintes vivant en zone isolée, à l’aide de la valise de télémédecine et son échographe mobile
- Plus de 200 professionnel.le.s de santé et relais communautaires ont été formé.e.s sur différents aspects du projet et plus généralement sur la SMNI (formation sur la santé materno-infantile, la maîtrise de la télémédecine, etc.)
- Plus de 52 000 personnes ont participé aux activités en faveur du changement de comportement (grossesse à moindre risque, approche genre, etc.)
Au-delà du dispositif numérique, c’est un mécanisme d’organisation qui a été mis en place au niveau communautaire, renforçant et systématisant les relations entre les acteur.rice.s de la santé (particulièrement entre relais communautaires et agents de santé), afin de faciliter le partage d’informations et la prise en charge adéquate des FAR et de leurs enfants.