En Afrique, près de 3 millions de filles risquent chaque année de subir ce type de mutilations (source : Unicef, 2016). Pratiquée le plus souvent sur des jeunes filles mineures, cette pratique est reconnue comme une violation des droits fondamentaux des femmes et des enfants : les Mutilations Sexuelles Féminines (MSF) constituent une forme flagrante d’asservissement des filles et des femmes, qui participe à un cycle de violences et au déni du droit des jeunes filles à disposer de leur corps pour s’épanouir.
En outre, ces mutilations causent des problèmes médicaux extrêmement sérieux : douleurs extrêmes, graves hémorragies, problèmes urinaires, kystes, infections, stérilité, complications lors de la grossesse et de l’accouchement, parfois jusqu’au décès.
Elles impliquent aussi de lourdes séquelles psychologiques. Le Sénégal fait partie des pays enregistrant une prévalence importante de Mutilations Sexuelles Féminines. 14% des filles âgées de 0 à 14 ans ont déclaré avoir été excisées selon l’Enquête Démographique et de Santé continue 2017, un chiffre qui n’a pas connu d’amélioration significative ces dernières années.
On remarque également de fortes disparités au sein du pays. Les régions situées au Sud-Est du Sénégal présentent la proportion la plus élevée de filles de 0 à 14 ans ayant déclaré avoir été excisées, la région de Sédhiou figurant parmi les 5 premières régions de ce classement avec 43%.
Cette région enregistre aussi la plus grande proportion de grossesses précoces du pays (30%). Malgré les engagements nationaux et internationaux du Sénégal pour la pénalisation des Mutilations Sexuelles Féminines, le pays a fait, en 2010, le constat de la faible application de la loi. Cette situation est à la fois la cause et la conséquence d’une norme socioculturelle puissante tendant à privilégier l’insertion sociale des jeunes filles excisées (mariage, succession, etc.).
Notre stratégie d’intervention Les premiers mois de l’initiative lancée par Amref ont démontré la nécessité d’intensifier les efforts liés au plaidoyer (4e sphère), afin de créer un environnement plus favorable aux interventions et accélérer leur mise en œuvre.
Le présent projet intervient en ce sens. Il permet également d’inclure dans la couverture géographique du projet le district sanitaire de Bounkiling, qui n’était jusqu’à présent pas encore couvert. Le modèle d’intervention prévoit de structurer les acteur.rice.s et organisations de la société civile engagé.e.s dans la lutte pour l’abandon des MSF, pour créer des synergies et rendre plus impactantes leurs initiatives.
En ce qu’ils sont les parents de demain, les adolescent.e.s et les jeunes sont particulièrement visés car ils participent fortement à la perpétuation ou à l’évolution des opinions, des attitudes et des pratiques. Leur rôle est stratégique puisqu’au Sénégal, deux tiers de la population est âgé de moins de 25 ans.
Plus largement, l’amélioration des services de santé de la reproduction des adolescents et des jeunes (SRAJ) est une préoccupation majeure, car elle permet de rendre ce public acteur de sa santé et de celle de ses proches, avec des répercussions quant à l’évolution de la pratique des MSF.
Ce projet a donc pour objectif global de contribuer à réduire la prévalence des Mutilations Sexuelles Féminines chez les filles âgées de 0 à 14 ans dans la région de Sédhiou (Sénégal) en renforçant l’engagement et la participation communautaires. Pour cela, il vise plus spécifiquement à :
1) Renforcer le leadership et la structuration des acteur.rice.s et organisations de la société civile locale œuvrant pour la prévention des MSF
> Constitution d’une Coalition régionale pour la prévention des MSF La structuration de cette coalition se fait autour des acteur.rice.s-clé de la lutte (associations, ONGs, Bajenu Gox, etc.). L’un des objectifs est d’établir un plan de renforcement organisation et technique qui permettra d’assurer l’efficacité des actions de plaidoyer prévues.
> Formation d’acteur.rice.s-clés aux techniques de sensibilisation et de plaidoyer dans la promotion de la santé sexuelle et reproductive des adolescent.e.s et des jeunes et des droits qui y sont associés, notamment pour la prévention des MSF.
Le projet prévoit notamment une facilitation de la participation de ces acteur.rice.s aux instances de décision locales, nationales voire internationales.
> Mise en place d’un plaidoyer par les acteur.rice.s et organisations de la société civile locale pour alimenter les politiques publiques avec des solutions ayant prouvé leur efficacité et démontrant la nécessité d’une approche holistique. Le plan de plaidoyer, élaboré au sein de la Coalition régionale, prévoit des actions au niveau local, national mais aussi international via l’organisation d’un panel international annuel de haut niveau à Dakar et une contribution au plaidoyer organisé chaque année en France le 6 février par le réseau Excision Parlons-En ! à l’occasion de la Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des MSF.
2) Accroitre l’expression d’une demande collective pour l’abandon des MSF et de toutes les violences basées sur le genre, grâce à l’accès aux services de santé de la reproduction des adolescent.e.s et des jeunes
> Accompagnement des leaders communautaires et coutumier.ère.s ciblé.e.s dans leur reconnaissance des MSF comme une violation des droits humains. Pour cela, un cadre de dialogue est déployé entre leaders communautaires et coutumier.ère.s et autorités administratives locales. De plus, les champion.ne.s sont impliqués dans des activités de sensibilisation dans les écoles et les communautés (caravanes, théâtres communautaires, campagnes sur les réseaux sociaux, dialogues intergénérationnels, etc.).
A terme, ces leaders pourront être formé.e.s sur la prévention des MSF et sur la promotion de la santé sexuelle et reproductive et les droits qui y sont associés.
> Amélioration de la qualité des services de santé de la reproduction des adolescent.e.s et des jeunes, et de l’accès à ces derniers.
Ce changement se fait sur plusieurs axes. D’une part, les adolescent.e.s et jeunes bénéficient d’un accès à des espaces qui leur sont exclusivement réservés dans 10 postes de santé. D’autre part, le personnel de santé de ces postes est formé sur les services spécifiques au public ado/jeune et la prise en charge médicale et psychosociale des complications liées aux MSF. Par ailleurs, le projet prévoit l’organisation de 75 stratégies avancées et de 3 camps de réparation chirurgicale pour la détection / prise en charge des risques et complications liés aux MSF, fistules et grossesses précoces (désinfibulation, etc.).
Les résultats attendus pour ce projet :
- 390 champion.nes maitrisent les cadres juridiques nationaux relatifs aux MSF et déclarent être capables de prendre la parole en public sur le sujet des MSF
- 4 modules actualisés et/ou co-créés avec l’Inspection Académique de Sédhiou
- 10 génies en santé organisés dans les 20 établissements scolaires
- 150 champion.nes identifié.es et engagé.es pour le projet (dont 60% sont des filles) et formé.es sur 4 modules (dont 60% sont des filles)
- 38 Organisations de la Société Civile soutenues dans l’organisation d’au moins 3 activités de sensibilisation communautaire
- 25 exciseuses identifiées pour participer aux Activités Génératrices de Revenus
- 130 dialogues intergénérationnels organisés en coordination avec les 38 OSC
- 25 auditions citoyennes et audiences publiques auxquelles des champion.nes ont participé
- 25 Influenceur.ses mobilisé.es pour la lutte contre les VBG
- 13 espaces adolescent.es et jeunes aménagés dans les structures de santé de Sédhiou selon les standards du MSAS (Ministère de la Santé et de l’Action Sociale)
- 1 protocole de prise en charge et de référencement informatisé co-construit avec la Région Médicale
- 80% du personnel médical de la région de Sédhiou déclarant pouvoir prendre en charge psychologiquement une personne victime de VBG
- 3 responsables du recueil des données des Equipes Cadre de District formé.es aux outils de suivi-évaluation