Au Sénégal, en 2017, 315 femmes mourraient des suites de leur grossesse ou de leur accouchement pour 100 000 enfants nés et vivants.
Parmi les principales causes, on note : la méconnaissance des symptômes de complications obstétricales, la faible qualité des soins prodigués, le retard dans la décision de consulter et l’éloignement des structures de santé. Cette situation impacte aussi bien la santé de mère que celle de l’enfant.
La couverture en soins materno-infantiles est garantie sous deux conditions :
L’existence d’une offre adéquate et de qualité
- Ce point est dépendant d’un besoin vital et prioritaire d’agents de santé qualifiés pour renforcer la couverture des services liés à la santé sexuelle et reproductive et à la santé pré et post natale.
Or, le Sénégal souffre d’un manque d’infrastructures et de ressources humaines de santé, aussi bien en quantité qu’en qualité : on n’y compte que 1 médecins et 3 infirmier.ère.s/ sages-femmes pour 10 000 habitants.
Pourtant, l’OMS estime qu’un minimum de 23 professionnels de santé (médecins, personnel infirmier et sages-femmes) pour 10 000 habitants est nécessaires pour assurer les interventions essentielles en matière de soins de santé primaires.
Quand bien même il existe des médecins, infimier.ère.s et sages-femmes, ceux.elles-ci ne sont pas forcément formé.e.s en adéquation avec les maladies contemporaine et méthodes de prise en charge actuelles. En effet, plusieurs études révèlent d’importantes disparités entre les curricula, leur non-révision et leur inadéquation. Ainsi, de nombreuses mères et leurs enfants n’ont pas accès à des soins pré et post-natals de qualité et adaptés à leurs besoins.
Cela est d’autant plus fréquent dans les zones rurales. En effet, le personnel est inégalement réparti sur le territoire, rendant d’autant plus infranchissables les barrières à l’accès aux soins des populations isolées.
L’accès de la population à cette offre et son utilisation par les communautés
- Sur ce point, on remarque un trop faible recours aux structures de santé publiques et privées, qui peut s’expliquer par des obstacles géographiques, financiers, mais aussi socioculturels – en lien notamment avec un manque d’information, mais aussi de confiance envers les personnels de santé.
L’expertise d’Amref Health Africa en formation des personnels de santé
Le renforcement des capacités des personnels de santé, notamment en zone rurale, est une priorité d’action d’Amref Health Africa qui agit dans ce domaine depuis les années 70. Son expertise reconnue en matière d’ingénierie pédagogie repose sur une approche basée sur les compétences, plus adaptée aux besoins concrets du personnel de santé en Afrique.
Nos formations accordent une importance particulière à la qualité de l’accueil et du soin avec une prise en charge orientée patients, dite « humanisée », qui vise à renforcer le lien de confiance patient – soignant.
Utilisation du numérique pour renforcer les capacités
Amref Health Africa est précurseur dans l’utilisation des outils numériques au service de la santé : formation à distance de personnel médical grâce au e-learning et au m-learning, diagnostics à distance grâce à la télémédecine, télétransmission d’information sanitaires et suivi des patients grâce à la téléphonie mobile, etc.
Au Kenya, le projet de formation numérique à destination des sages-femmes initié en 2005 a été assimilé par les autorités sanitaires du pays. Suite à ce succès, et face à la demande de plusieurs Ministères de la Santé d’Afrique de l’Ouest, Amref Health Africa a été identifiée par l’Organisation Ouest-Africaine de la Santé et les pays concernés comme opératrice pour mener à bien ce projet de formation des sages-femmes et assimilés dans la sous-région.
Depuis 2013, Amref a donc initié une réplique contextualisée et ajustée de cette expérience pour l’Afrique de l’Ouest (Sénégal, Côte d’Ivoire, Guinée Conakry, Bénin) : le Programme de Renforcement des Capacités des Infirmier.ère.s et Sages-femmes (PRECIS).
L’utilisation inédite d’un mode d’apprentissage mixte (e-learning et tutorat) est le pilier principal du projet. Cet enseignement offre un contenu de qualité – qui, à la clé, délivre diplôme permettant aux étudiant.e.s de bénéficier d’une revalorisation de leur statut et de leur rémunération.
Le e-learning permet notamment de
- s’affranchir des contraintes géographiques
- ne pas démobiliser les personnels soignants déjà en activité
- faciliter la mise à jour du contenu de formation
- optimiser les coûts
- ouvrir des perspectives d’utilisation à l’échelle sous-régionale
Harmoniser les formations dans la sous-région
Le projet se déroule sous l’égide de l’OOAS et dans le respect de la politique d’harmonisation des formations des personnels de santé de la sous-région – l’OOAS constate d’ailleurs que : « les études réalisées sur la e-santé, dans leur majorité, reconnaissent l’immense valeur du téléapprentissage et de la formation continue au moyen des TIC pour maintenir les compétences et réduire l’isolement des professionnels de santé en zone rurale (…). Il est nécessaire aujourd’hui que les professionnels de la santé de l’espace CEDEAO aient un accès accru à des possibilités d’apprentissage à distance ».
La collaboration avec les autorités locales et nationales, et la société civile
Il repose également sur une étroite collaboration avec les autorités nationales et locales, avec qui les curricula de formation sont élaborés, pilotés et supervisés en fonction des priorités identifiées. En parallèle, Amref Health Africa a cherché à s’ancrer localement et à développer des liens solides avec la société civile.
Le PRECIS s’est donc développé avec la volonté de s’appuyer sur des partenariats avec les associations nationales d’infirmier.ère.s et de sages-femmes ; et de renforcer l’implication et la reconnaissance du rôle des agents de santé communautaires dans la politique nationale de ressources humaines en santé.
Le déploiement du PRECIS au Sénégal s’est effectué par paliers, en respectant 2 phases.
Une phase d’implantation
Cette phase préparatoire comprend l’évaluation initiale des besoins et la faisabilité technique et financière, la mise en place de la gouvernance du projet avec le Ministère de la
Santé et la société civile, la planification du projet et l’identification des lieux de formation.
Une phase d’exécution
Cette phase inclut une étape de pré-positionnement des ressources humaines, financières, technologiques et logistiques posant le socle des prérequis de la formation e-learning. Cette étape est suivie de la mise en œuvre de la formation, une fois les ressources disponibles, et les étudiant.e.s sélectionné.e.s.
Sur le territoire sénégalais, dans la phase d’exécution, les centres e-learning sont opérationnels dans les 14 régions. Le projet PRECIS propose une solution innovante pour soutenir les feuilles de route nationales visant à accélérer la lutte contre la mortalité maternelle, néonatale et infanto-juvénile, ciblée dans les plans nationaux de développement sanitaire (en particulier les 2e et 3e Plans Nationaux de Développement Sanitaire 2009-2018 et 2019-2028 du Sénégal)
- Au Sénégal, 1340 sages-femmes et infirmier.ère.s formé.e.s
- En Côte d’Ivoire, 3008 sages-femmes et infirmier.ère.s formé.e.s
- 74 enseignants formés et mobilisés
- 38 tuteur.rice.s, 24 enseignant.e.s et 14 responsables de centre e-learning formé;e.s et constituant l’équipe de formation
- 14 centres de e-learning ont été créés dans les 14 régions du Sénégal
Les perspectives
- Inclure de nouveaux contenus de formation à destination d’autres catégories de professionnel.le.s de santé.
- Développer un business model pour rendre durables la plateforme et son mode de gestion. Une étude de faisabilité d’un business model autour du dispositif e-learning a été réalisée en 2019 par Amref avec pour objectifs d’assurer la durabilité du dispositif de formation établi avec le Ministère de la Santé, et garantir le déploiement d’une stratégie de sortie pérenne, associée à un modèle économique viable.
Ce modèle permettra la génération de revenus par Amref, sur la base de ses outils et de son expertise, destinés au financement de projets visant la montée en qualité des ressources humaines en santé en Afrique de l’Ouest. Ce modèle public-privé, déjà expérimenté par Amref en Afrique de l’Est, constitue une perspective solide et durable pour le financement de solutions innovantes en faveur de l’amélioration de la santé maternelle, néonatale et infantile en Afrique subsaharienne.
- Assurer un plaidoyer auprès du MSAS pour qu’il s’engage pour la pérennisation des financements destinés à l’amélioration de la qualité des soins fournis aux femmes et enfants en bas-âge.
Il s’agit d’encourager le MSAS à accroitre sa contribution financière, et mobiliser, à son niveau, des ressources auprès de ses partenaires sur la période 2020-2023 (USAID, UNFPA, JICA, etc.).
- Constituer, à Dakar, un campus francophone de l’Université Amref Health Africa (basée à Nairobi), pour répondre aux gaps de formation en santé en Afrique de l’Ouest.
Et dans le reste de la sous-région…
Le projet PRECIS a également été implanté en Côte d’Ivoire en appui à l’Institut National de Formation des Agents de Santé (INFAS), seule école ivoirienne habilitée à former les agents sanitaires.
Le e-learning vient apporter une solution intégrée en assurant l’accès à un enseignement harmonisé dans sa qualité et sa forme dans chacune des antennes régionales de l’institut. Dans un premier temps, les antennes de l’INFAS d’Abidjan et Korhogo interviennent comme lieu de formation pilote, avant de mettre le projet à l’échelle des 3 autres antennes dans les phases suivantes.
Le projet a permis à 27 enseignant.e.s de se former sur le dispositif e-learning, la conception de contenus multimédias, et accompagnés au quotidien par les IT de l’INFAS. De plus, près de 3 000 étudiant.e.s de licence 1, 2 et 3 ont été formé.e.s ou sont en cours de formation avec l’appui de la plateforme e-learning d’Amref.
Par ailleurs, Amref a la volonté d’inclure le Bénin et la Guinée Conakry dans le PRECIS. Une évaluation initiale a été menée et a confirmé la faisabilité technique et opérationnelle du projet.
Les prochaines étapes sont donc : 1. la définition d’une feuille de route nationale, d’objectifs nationaux et de plans d’action détaillés ; 2. le développement d’un plan de mobilisation des ressources dédiées.